« Payer en espèces » et pas en monnaie de singe!


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

facture épicée

Au Moyen Âge, les épices étaient une denrée si précieuse que l’on disait d’un objet chérot qu’il était cher comme poivre. Exotiques et luxueuses en diable, les épices servaient parfois de monnaie : on proposait alors de payer en espèces, non pas de nature à être sonnantes et trébuchantes comme des pièces de monnaie mais plutôt odorantes et parfumées comme le poivre ou le macis.

épices en stock

Épice comme espèce sont formées sur le mot polysémique latin species, « espèce », qui revêt aussi le sens d’apparence et de marchandise « spéciale ». En France, le terme apparaît au XII ème siècle, concurrençant le terme aromate. Jusqu’à l’avènement, au XVII ème siècle, d’une nouvelle cuisine moins marquée en goût, c’est peu de dire que les nobles ont la main lourde sur les épices : il est alors question de montrer sa supériorité par la quantité et la qualité des poudres utilisées.

Clous de girofle, muscade, cumin, gingembre, safran, anis, cardamome, galanga, graine de paradis, macis et sucre (une épice à l’époque) font partie de certaines recettes relevées de la noblesse. On parle aujourd’hui d’un récit « épicé », l’épice étant désormais plutôt perçue comme un exhausteur de goût. Initialement terrestre, c’est le commerce des épices qui va lancer Christophe Colomb et autres Vasco de Gama à l’assaut de nouvelles terres. Difficile à imaginer aujourd’hui quand il n’y a plus que Ducros qui se décarcasse!

le choix d’épicer

Bien que l’on pense que cette manie de saupoudrer des arômes forts soit due à la nécessité de camoufler la saveur rance des viandes faisandées, il n’en est rien! Les viandes étaient alors cuites au plus tard le lendemain de l’abattage. Ce besoin d’épicer est pluriel : les épices colorent, parfument et ont des vertus médicinales… à condition de s’y connaître ! Au XVI ème siècle naît la formule « s’y connaître comme une truite en épices ». À partir de 1664, c’est la ville nouvelle de Lorient qui dispose des comptoirs de la Compagnie des Indes orientales ; c’est dans ce port breton que l’on découvre le curry. Au XIX ème siècle, M. Gosse, apothicaire lorientais, inventa un mélange d’épices d’inspiration indienne qui va comme un gant au homard cuisiné : le Kari Gosse!

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 12,90€

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