« Avoir l’air cruche » mais sans s’en servir…


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

harmonie gutturale

De forme harmonieuse, la cruche se caractérise par une prononciation gutturale, héritée de ses origines francisques. Apparue au XIIème siècle, la kruka en vieux français est une kruik en néerlandais : on entend presque un cochon qu’on égorge!
Pleine, la cruche de vin ravit les poivrots ; vide, c’est peu de dire qu’elle sonne creux. C’est sûrement à cause de cet écho que l’on parle d’une « vraie cruche » pour décrire quelqu’un d’un peu neuneu : le proverbe chinois ne dit-il pas que « si tu tapes une cruche contre ta tête et que tu entends un son creux, n’en déduit pas forcément que c’est la cruche qui est vide » ?

cruche franche

Fragile, la cruche est frappée par l’obsolescence programmée ! Présent dans de nombreux pays, un autre proverbe moins espiègle datant du XIIème siècle nous enseigne que « tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise », formulant une mise en garde : à force de frôler un danger, on finit par en payer les pots cassés. Rappelons-nous l’histoire du vase de Soissons! Lors d’un partage de butin, le roi Clovis convoite un vase de prix pour sa pomme. Le trouvant gonflé, un soldat brise le vase d’un coup de francisque en criant : « Tu n’auras que ce que le sort t’accordera. » Et toc, le Franc !

cruche ou carafe?

En arabe, gharafa signifie « servir à la louche » et ghurfa désigne « la coupe » ; il est probable que la caraffa italienne s’en soit inspiré. Ce qui est sûr, c’est qu’au restaurant, une des phrases les plus difficiles à articuler pour le client peu soucieux d’alourdir la note avec une eau minérale plate ou gazeuse, c’est : « Juste une carafe d’eau. »

Avoir l’air cruche n’a pas le même sens qu’être en carafe, une formule qui signifie « être en panne » ou « abandonné ». Elle apparaît à la fin du xixe siècle ; à l’époque, on avait en effet l’habitude de comparer la bouche à la carafe, en allusion à son bec verseur. Tomber en carafe, c’est ne plus trouver ses mots pour celui qui jacte, qui ressent conséquemment comme une sorte d’abandon.

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 12,90€

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