« Manger comme un chancre », vous avez déjà essayé?


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

manger de chair

Obélix, Averell et Pantagruel ont un point commun : leur capacité à « manger comme des chancres ». Cette image médicale nous vient du jargon farceur des cara- bins ! Ils s’étaient rendu compte que les chancres mous ou infectants se montraient particulièrement gourmands en chair humaine. Son synonyme, manger comme un ogre, nous éclaire sur la voracité du glouton. Ogre dérive d’Orcus, le nom d’un dieu de la mort latin probablement calqué sur Chronos, le « dévorant » qui boulottait sa descendance au petit-déj.

famille de masticateurs

À l’heure des fast-food qui défient les clients d’avaler un taco d’un kilogramme et des déjà anciens concours de gobage de hamburgers américains, il est bon de s’interroger sur l’origine du mot manger. Formé sur le latin manducare, ce verbe du xe siècle vient de manducus, masque glouton d’un personnage de la comédie romaine, Manducus, détenteur d’énormes mâchoires. Cette famille goulue réunit mandibulesmangeaille et même démanger, qui signifiait « ronger » à l’origine. L’idée d’avidité transparaît dans l’animale formule manger jusqu’à l’os, qui date du XVIIème siècle : elle signifie « ruiner jusqu’à épuisement ». En argot, manger du boudin, c’est bouder ; en jargon théâtral, manger des côtelettes, c’est le Graal de tout comédien, à savoir : recevoir un tonnerre d’applaudissements.

l’ogre Jean Gabin

D’après ses compagnons de tournage, Gabin joua les antihéros du peuple puis les gangsters avec une seule idée en tête… Croûter ! Réputé aussi glouton que des monarques fort portés sur les repas copieux tels que Louis XIV ou Henri IV, il attendait avec impatience la pause déjeuner. Jean Renoir disait d’ailleurs que pour obtenir une émotion chez cet acteur, il fallait lui parler blanquette! Lino Ventura raconta qu’au cours d’un énième gueuleton en compagnie de Blier et Gabin, les trois compères frôlèrent la mort. Arrivés au digestif, Gabin raconte qu’il a découvert une taule où on peut déguster un pot-au-feu de derrière les fagots. Les larmes aux yeux, il évoque le bouillon, la viande fondante… Alléchés, les gaillards sont prêts à y aller. Heureusement, Ventura s’interpose : un pot-au-feu quand on a les dents du fond qui baignent, c’est un coup à manger les pissenlits par la racine!

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 12,90€

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