« Ménager la chèvre et le chou » : dans la vie il faut choisir…


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

« Conte » là-dessus

Cette étrange expression provient d’une vieille énigme où… il y a un loup. Un passeur doit faire traverser une rivière à un loup, une biquette et un chou. Sa barque est petite, il ne peut en transporter qu’un seul à la fois. Pour garder tout ce petit monde vivant, il doit se montrer finaud. La chèvre passe en premier car le loup et le chou peuvent cohabiter. Il revient chercher le chou qu’il dépose en emportant la chèvre pour qu’elle ne boulotte pas la verdure en son absence. C’est ensuite le tour du loup, tandis que la chèvre revenue au point de départ attend de passer en dernier.

Dans cette formule, il faut comprendre le verbe ménager non dans son sens actuel d’ « épargner » mais dans au sens ancien de « diriger » – qu’on retrouve dans l’anglicisme manager. Restée vivace, l’expression nous apprend qu’il faut, comme l’enseigne Machiavel, se montrer fin stratège. Elle comporte une nuance péjorative, pour illustrer le fait de ne pas assumer un point de vue, voire de tirer parti d’une situation.

rendre chèvre

Depuis le XVII ème siècle, on dit aussi rendre chèvre, rapport au caractère belliqueux de la jolie barbue. Ce n’est pas étonnant : cette bête têtue serait cousine du mot caprice et cabriole ! Il se peut que l’expression fasse référence à « la chèvre », un supplice très répandu autrefois qui exigeait qu’un prisonnier particulièrement chatouilleux se fasse lécher les pieds par l’animal, ce qui provoquait des crises de fou rire parfois mortelles.

expression fromagère

En France, la Touraine et le Poitou sont renommées pour leurs chèvres. Notamment le chabichou du Poitou, dont le nom si mignon pourrait venir de chebli en arabe« la chèvre ». Rappelons-nous qu’au XIII ème siècle, la région de Poitiers vécut une bataille épique entre cavaliers maures et troupes franques, conduites par le héros des vieux manuels d’histoire et de l’extrême droite, Charles « Martel », le « Marteau des Infidèles » qui obtint le retrait des troupes du calife omeyyade. Selon la légende, les Maures seraient venus accompagnés de troupeaux de chèvres ; on dit que la cendre enrobant les fromages serait une technique apportée par les femmes arabes laissées sur place après la débâcle. En Touraine, on aurait gardé le souvenir de ces secrets pour la fabrication des chèvres Sainte-Maure.

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

. . . . . . .

Editions
317 pages, 12,90€

Précédent "Portraits des Brouilly" ; Didier et Sophie Lagneau
Suivant Les frères Lavantureux à Chablis: nouvelle génération, nouvelle référence!

Pas de commentaires

Répondre