« Tirer les marrons du feu » avant qu’ils ne soient glacés!


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

riche et pauvre

Chaud, il est vendu en cornet au coin des rues. Glacé, c’est une confiserie de luxe! Fruit dur du châtaignier, le marron apparaît au XVIème siècle. Formé sur le radical latin marr-, « caillou », qu’on retrouve dans marelle ; il est le double lexical de la châtaigne. Quand Nougaro dit qu’à Toulouse, « même les mémés aiment la castagne », il ne s’agit point d’évoquer la châtaigne grillée mais bien la bagarre à coups de marrons, une teigneuse métaphore que file Renaud dans sa chanson Laisse béton. Si le fruit du marronnier des cours d’école est toxique, le produit du châtaignier, lui, vaut le surnom d’ »arbre à pain ».

un fruit très cultivé

C’est vers le VI ème siècle av. J.-C. que naît la culture du châtaignier, quelque part entre le Caucase et la Perse. En Grèce, le fruit écope du nom flatteur de « gland de Zeus »! Avant que la patate ne prenne le pouvoir dans la cuisine française, c’est cette « viande du pauvre » qui combat la famine : au XVII ème siècle, les Cévenols, qui vivent de la culture de la châtaigne, lui survivent quand la haute Lozère n’a plus rien à manger. En Ardèche, berceau de la crème de marrons, l’opulente châtaigneraie va connaître moult avanies au XIX ème siècle : la culture des mûriers pour l’élevage du ver à soie, la maladie de l’encre qui décime les racines, l’abattage d’arbres par les soyeux Lyonnais pour la teinture textile, l’exode rural… C’est finalement le marron glacé qui sauve la mise aux châtaigniers!

fable d’époque

Dans la fable de La Fontaine Le Singe et le Chat, le félin retire du feu les marrons au fur et à mesure qu’ils sont grillés, au profit d’un primate roublard. Avant La Fontaine existait déjà la locution tirer les marrons du feu avec la patte du chat, c’est- à-dire se tirer d’un dommage par le moyen d’un tiers. Ainsi Voltaire écrit-il à son imprimeur : « Je ne veux point être le chat dont on se sert pour tirer les marrons du feu, et quand je les tire, je les veux manger. » Le chat est escamoté au fil du temps, et le sens de l’expression se perd. Aujourd’hui, tirer les marrons du feu suggère une forme d’opportunisme : on l’utilise quand on tire profit d’une situation, oubliant que dans l’expression originelle, le singe avait besoin d’une dupe pour parvenir à ses fins.

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

. . . . . . . .

Editions
312 pages, 12,90€

Précédent "Portrait des primeurs 2024" : Victor Sornin, "La Ronze" sans les épines!
Suivant 32 ème Concours des vins du grand Auxerrois, le palmarès 2024 dévoilé

Pas de commentaires

Répondre