« Avoir la frite » voire même la patate!


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

de Barthes à Renaud

D’après Roland Barthes, « la frite est le signe alimentaire de la francité ». Liberté, égalité, friternité ! Aux États-Unis, les frites sont d’ailleurs appelées « french fries ». Et les belges ? À l’origine, le mot frite est latin, formé sur frictura, du verbe frigerefrigo voulant dire « je fris » – curieux homonyme de frigere, « avoir froid ». Il a donné friture (qui désigne aussi ces moulures en chocolat de Pâques, résurgence cacaotée de la « pêche miraculeuse » de Jésus), mais aussi fricotfricassée et bien sûr, lèche-frite. Bonne fille, la frite est présente dans des locutions populaires. Quand on se bagarre, « on se frite ». Pour dire que l’on a la pêche, on peut dire comme Renaud dans La Blanche : « Toi t’as les boules, moi j’ai la frite ».

quai des frites

La frite est toutefois triste dans le roman Le Quai des brumes de Mac Orlan : « Il y avait exactement sept semaines qu’il n’avait pas mangé de viande saignante. Il se nourrissait quand il le pouvait de pommes de terre frites et de cervelas cuits dans la graisse bouillante. » En 1900, les Belges pensaient que la belle blonde était russe. La faute à un célèbre forain qui s’était inspiré de la fin de la guerre de Crimée, en 1856, pour baptiser ses grands paquets de frites des russes et les petits des cosaques. Les russes firent la fortune de M. Fritz, violoneux raté bavarois qui avait découvert les joies de la frite comme apprenti dans une rôtisserie parisienne.

origine belge

Certains disent que la frite aurait quitté la France par l’intermédiaire des proscrits de 1851, exilés à Bruxelles. L’un d’eux raconta que « les réfugiés, dont l’estomac s’accommodait moins de la décoction de Java que du faro, déjeunaient à l’estaminet avec du fromage ou des pommes de terre frites ». Outre-Quiévrain, on raconte que la pomme de terre frite serait née vers 1680 aux bords de la Meuse. Habitués à pêcher du menu fretin, les habitants de Namur souffrirent du « long hiver » : leur rivière ayant gelé, ils se mirent à frire des bouts de tubercules découpés en petits poissons. Une histoire farfelue, la patate n’arrivant dans ces terres que bien plus tard. Il est sûr, cependant, que les Belges sont les rois de la frite : cuite deux fois au blanc de bœuf, quel croustillant régal !

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 12,90€

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