Avoir le bec fin…


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

Nombreux sont les bons becs…

Le Parisien, sûr de la finesse de son palais, aime à répéter ce fameux vers du poète étudiant François Villon : « Il n’est bon bec que de Paris. » En réalité, Villon parle plutôt d’une bouche spirituelle à la langue bien pendue que du museau raffiné d’un fin gourmet. Bon connaisseur de l’argot, il sait que dans la langue des truands, avoir bon bec, c’est être bavard avec un don d’élocution : un bec agile qu’on aimerait parfois pouvoir « clouer »!


Doté d’un bec loquace, l’oiseau a l’air plus fine bouche que l’animal à groin ou à gueule. Assez représenté en langue française, le bec picore plusieurs sens qui tournent autour de ce qu’on se fourre dedans. Avoir le bec salé, c’est avoir soif. Si se rincer le bec veut dire « boire de l’alcool », danser du bec, c’est refouler du goulot ! En argot, tout ce qui est comestible prend le nom de bectance : ainsi, claquer du bec, c’est avoir faim sans rien avoir à becter, c’est-à-dire à se mettre dans la rue du bec, la bouche.

loin du bec

L’expression rester le bec dans l’eau appartenait à l’origine à ce champ lexical de la consommation, plutôt liquide. Au XVIIème siècle, ne point tenir à quelqu’un le bec dans l’eau, c’est l’empêcher de s’enivrer. Au début du xviiie siècle, le sens et la formule évoluent : on dit qu’on « tient le bec de quelqu’un dans l’eau » quand on le tient en attente par de belles paroles. Cette notion de promesse non tenue est contenue dans la frustration de rester le bec dans l’eau, métaphore probable du héron qui fouille le marais de son long bec sans rien attraper. Comme lui, le paresseux rêve que le manger lui tombe tout cuit dans le bec !

Et Brassens conclue

Pas facile toutefois d’avoir le bec fin quand on a de maigres moyens. Dans Le Bistrot, son hymne aux rades de quartier, Brassens conseille d’ailleurs aux palais trop snobs de changer de crémerie : « Si t’as le bec fin / S’il te faut du vin / De première classe / Va boire à Passy / Le nectar d’ici/ Te dépasse. »

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Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

Éditions
317 pages, 12,90€

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