Vendanges 2023 en Bourgogne : vers un millésime singulier et pluriel…


Table de tri en action ! Crédit Photo Armelle Photo/BIVB©)

C’est un millésime qui aura fait passer les producteurs par toutes les émotions avant d’offrir une année plus belle qu’espérée.

un cycle végétatif inédit

Malgré un hiver plus doux que la normale, le débourrement se fait avec quelques jours de retard sur la moyenne. En raison d’une météo instable jusqu’en avril ce léger retard permet d’échapper aux rares gelées printanières. Les toutes premières pointes vertes sont observées le 2 avril sur chardonnay en zones précoces. Puis le 12 avril sur pinot noir et gamay. Dans de nombreuses parcelles, dès le débourrement, on note une certaine hétérogénéité qui se maintiendra jusqu’aux vendanges. Celle-ci tient à un redémarrage étalé des vignes après la belle récolte 2022.

Un printemps alternatif

Début mai, les conditions deviennent propices à la pousse. Les stades phénologiques s’enchaînent alors à un rythme effréné. Jour après jour, les feuilles s’étalent, offrant enfin au paysage toutes les nuances de vert. A partir du 20 mai, les températures remontent et se maintiennent au-delà des normales saisonnières. Ce qui favorise une évolution rapide vers la floraison.

La fleur de vigne à encore raison

Les toutes premières fleurs créent la surprise dès la fin mai. Le stade mi-floraison suit, le 7 juin, annonçant une récolte pour le tout début septembre. Dans l’ensemble, la fleur se développe dans de très bonnes conditions, avec des températures favorables et un bel ensoleillement. Les orages localisés donnent de l’eau en toute fin de floraison, permettant aux capuchons floraux de tomber. Mais aussi de favoriser la pollinisation par le vent. La sortie de grappes généreuses rassure les viticulteurs sur le potentiel de la récolte à venir.
Le printemps s’achève sur un déficit hydrique qui ne se comblera pas de toute la campagne. Et ce, malgré des orages en juin qui apportent localement des précipitations parfois très importantes. Notamment en Côte d’Or avec 80 à 140 mm/épisode selon les appellations.

mixologie climatologique

Juillet ressemble à juin. Relativement instable : alternance d’orages, de pics de températures jusqu’à 35-36°C et hygrométrie importante. Cette instabilité est propice aux maladies contre lesquelles les vignerons traiteront tout l’été. Deux épisodes de grêles, les 11 et 15 juillet, occasionnent des dégâts très localisés (sud Mâconnais, Mercurey, Rully, Meursault, Saint Aubin et alentours de Dijon). Toutefois, la Bourgogne est globalement indemne, à l’image des vignobles de Chablis et du Grand Auxerrois. En secteurs précoces, les premières baies vérées sont observées entre le 11 et le 18 juillet selon les secteurs. Les températures restent relativement douces, avec une amplitude jour/nuit assez marquée bénéfique à la vigne.

ce 19 septembre c’est le dernier tri à la cuverie des hospices de beaune

le mâconnais lance le ban

Les premières épinettes ont fait entendre leur cliquetis en coupant les Crémant de Bourgogne le 25 août à la cave coopérative de Lugny (71). Le 4 août à Epineuil (89) pour ceux de Dominique Gruhier. « On avait prévu de commencer en août mais le bloquage de maturité nous a fait décaler ». Matthieu Thévenard installé avec son frère Gaétan en 2021 sur Uchizy (71) parle ainsi du 2023 : « C’est une année faste. On a pas le droit de se plaindre. Les jus sont mûrs et équilibrés. On tient un millésime de référence. »
Quasiment dans le même temps, quelques producteurs dans la ceinture blanche de la Côte de Beaune (Meursault, Saint Aubin, Puligny et Chassagne) ont fait le choix de partir tôt quitte à devoir chaptaliser certaines cuvées. C’est le cas de Caroline & Damien Colin au Domaine Marc Colin à Saint Aubin (21). Ils débutaient leur cueillette le 1er septembre. « Ce millésime me rappelle 2011 même s’il y a des écarts de quantité entre les parcelles de plaine et celles de coteau » explique ce dernier.

Côte de Beaune et chalonnais suivent

En côte chalonnaise, le Domaine Gouffier à Fontaines (71) a privilégié la récolte précoces des rouges tout début septembre au blanc. Pour y avoir vendangé durant trois jours, le choix s’avère payant même si la table de tri à été utile sur certaines parcelles de pinot noir plus chargées que d’autres. A leur image, tout les producteurs vous le diront. Personne ne s’attendait à une si belle récolte après un cycle végétatif aussi chaotique.

A l’heure où nous écrivons les chiffres de sorties de cave ne sont pas encore connus. L’ensoleillement de septembre a permis de parfaire la maturité mais est aussi passé par un épisode caniculaire qui a conduit les raisins de l’échaudage à la grillure.
Au milieu de cette chaleur plusieurs averses (le 13/09 par exemple) sont venues gonfler les baies de façon inattendue. Du fait des fortes températures, les vendanges nocturnes sont favorisées par certains vignerons et coopératives qui récolte mécaniquement. D’autres, comme au domaine Gouffier, ont décalé les horaires pour démarrer juste avant le lever du jour et finir la vigne à 13h.

côte de Nuits et Yonne au même tempo

La récolte s’étale du sud au nord de la Bourgogne, pour s’achever fin septembre à Chablis et dans les Hautes Côtes. Jean-Marie Chapier, le propriétaire du Domaine des Astrelles à Gevrey-Chambertin (21) s’exprime sans détour : « C’est une belle année quantitative et qualitative par notre choix d’une vendange en vert drastique sur les 13 hectares du domaine (+7 ha en achat de raisins). On est presqu’au rendement sauf dans les Hautes-Côtes ou on a perdu la moitié. » Ce qui pour ce domaine récent et en conversion biologique est une bonne nouvelle. Les pinots noirs de Dominique Gruhier ont été vendangé du 22 au 27 septembre à la suite des chablis. « Le rendement n’est pas atteint en Epineuil mais supérieur en Chablis et Tonnerre. C’est la première fois que je produits des VCI*. La récolte globale est supérieure à 2018. »


Une grappe de pinot noir 2023 des hospices impossible mais bien réelle

Aux hospices de Beaune

C’est un choix audacieux mais très pédagogique que de résumer un millésime par la photographie d’une grappe. C’est pourtant ce qu’a fait en conférence de presse, Ludivine Griveau-Gemma, la régisseur des Hospices civils de Beaune. La récolte aux Hospices débute le 6 septembre avec le Pouilly-Fuissé et s’acheve le 19 par Monthélie et Saint Romain. La technicienne explique avoir effectué des vendanges en vert sur 9 hectares parmi les 50 de pinot noir : « Cette année j’ai plusieurs millésimes dans la cave! »
Une formule qui fait mouche pour expliquer les aléas climatiques de 2023. Et l’hétérogénéité des cuvées suivant chaque parcelle. « Du coup, j’ai utilisé plusieurs itinéraires techniques » ajoute t’elle. Selon chaque cuvée de rouge, la vendange entière a été utilisée partiellement ou pas du tout. Premiers indices de réponse lors de la vente qui se déroulera le dimanche 19 novembre sous les halles de Beaune.

Reportage & photographies,
Guillaume Baroin,
Logo les Buvologues

* = Volume Complémentaire Individuel : le principe consiste à autoriser la production de quelques hectolitres complémentaires par rapport au rendement de l’année. Ce volume complémentaire est mis en réserve individuelle pour être utilisé à la discrétion de l’opérateur lors d’une récolte ultérieure en cas de déficit quantitatif ou qualitatif. Sa mise en œuvre est souple et gérée par chaque exploitant.

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