« Gagner son bifteck » haché discuté, au travail!


Chaque samedi Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

Juste une seconde

Après la Seconde Guerre mondiale, les industriels se retrouvent avec beaucoup de pertes. Les rescapés de la guerre estiment qu’ils ont besoin de viande rouge de qualité, et en ont assez de se nourrir de fressure. Regardant avec envie les Américains, porteurs du plan Marshall et grands mangeurs de hamburgers de bœuf fortifié au tourteau de soja, les vendeurs de bidoche ont alors une idée : mixer les bas morceaux boudés avec un peu de graisse… En 1958, le steak haché était né!
Avant que cette ruse ne condamne le monde à subir la mode interminable du burger, le bifteck a longtemps paru un mets de choix : un peu cher, mais diablement tentant. Biftek est la contraction du beefsteak anglais, ce terme à l’orthographe contrariée apparait au mitan du XVII ème siècle, d’abord écrit
beef steks puis biftèque. Il témoigne d’échanges réguliers entre la France et l’Angleterre, pays amateur de viandes rôties.

Ainsi naquit le Rosbif

Devenu rosbif en français, le roast beef dominical des Anglais leur tient lieu de surnom chez leur vieil ennemi hexagonal.
Au XIX° siècle, le bourgeois se passionne pour l’aloyau grillé, si possible servi avec beurre maître d’hôtel et pommes sautées. Connu pour bénéficier de très longues pauses déjeuners, l’auteur et employé administratif, Joris Karl Huysmans, évoque l’inégalité des mandibules face au bifteck dans À vau-l’eau : « Le nez dans un journal, M. Folantin enviait les solides mâchoires de ses partners qui broyaient les filaments des aloyaux dont les chairs fuyaient sous la fourchette. »

A table!

La démocratisation de l’accès à la viande rouge précipite le biftek dans le langage populaire. Gagner son bifteck devient l’égal de gagner son pain! Attention, les biftons ou le bif n’ont rien à voir avec le steak frites. Ils sont formés sur biffe, « le chiffon » en argot. En langue verte, manger son beefsteak, c’est garder le silence. Faire du bifteck, c’est frapper, par analogie avec le geste du boucher qui frappe la viande pour la détendre. Tant pis si la viande manque parfois de tendresse, c’est pour gagner en tendreté! Le Guide des plaisirs à Paris donne d’ailleurs ce conseil : « Quand un roastbeef vous résiste, cédez de bonne grâce ».

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Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

Editions
315 pages, 12,90€

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