« Mettre à toutes les sauces » mais sans en mettre à côté


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

Au Moyen Âge, les sauciers ont la main lourde sur les épices : leurs créations portent les doux noms de « jaunette », « paresseuse » ou « dodine », la plus connue d’entre elles étant la « sauce verte » chère à Rabelais, à base de persil, verjus, gingembre et vinaigre.
L’avènement de la cuisine nouvelle au XVII ème siècle va remplacer ces sauces maigres et relevées par les « sauces blanches ». C’est parti pour trois siècles de nappages riches en beurre dans la haute cuisine française ! C’est à cette époque que naît l’expression être bon à toutes sauces, qui deviendra employer à toutes les sauces : sans vergogne et à tout propos.
Issue du latin populaire salsa « chose salée », la sauce, anciennement salse, connote parfois la lourdeur. Alourdir un récit, c’est « allonger la sauce » ; envoyer la sauce, « balancer sans finesse ». On traite aussi l’importun lourdingue de gâte- sauce ! Le pire est bien sûr de ne pas savoir à quelle sauce on sera mangé, quand on ne sait pas ce qui nous attend de fâcheux : béarnaise, poulette, Bercy ou mayo ?

« À toutes les sauces »… Cela fait combien exactement ?
Auguste Escoffier en référence 351 dans son Guide culinaire de 1903, qui fait encore figure de bible des cuisiniers. Comme il l’écrit lui-même : « Les sauces représentent la partie capitale de la cuisine. Ce sont elles qui ont créé et maintenu jusqu’à aujourd’hui l’universelle prépondérance de la cuisine française. »

Pour moi, mettre à toutes les sauces ne sera jamais une expression péjorative. Ce qui définit la gastronomie française, c’est la sauce. Elle fait toute la gourmandise, notre gourmandise. Les sauces répertoriées par Escoffier sont souvent lourdes : l’allemande et la poulette sont crémées, la mayonnaise est à base d’huile, etc. On les a aujourd’hui rendues plus contemporaines, plus gaies. La gastronomie française a eu la délicatesse de les faire évoluer sans les dénaturer. Pour cela, il a fallu enlever les féculents : les veloutés collés au beurre « manié » (c’est-à-dire à la farine) donnent une impression de chewing-gum collé au palais. On les a allégées avec des liaisons à base de légumes, de vin, de jus, en travaillant sur la réduction.
Bref, il faut sans hésiter continuer à « mettre à toutes les sauces ».

Editions
317 pages, 12,90€

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