Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…
« T’as de beaux restes… »
Certaines ont de beaux yeux ; d’autres ont de beaux restes. Éminemment phallocrate, cette expression du XVII ème siècle s’applique exclusivement aux femmes. Jusqu’au début du XVII ème siècle, le mot reste s’est d’abord employé au féminin. Si la formule se veut flatteuse, elle n’en est pas moins sévère pour la femme vieillissante encore « potable » qui se contente de jouir des vestiges de sa beauté quand les autres, carrément vieilles, offrent le spectacle d’une ruine. Corneille disait ainsi qu’ « il est fort extraordinaire qu’une femme dont la fille est en âge d’être mariée ait encore d’assez beaux restes pour s’en vanter si hautement » (argument d’Andromède).
en cuisine aussi
En cuisine, on aime les restes ! Surtout lorsqu’ils émanent de cuisines de qualité. Durant l’Ancien Régime, bourgeois et nobliaux venaient au « regrat de Versailles ». Les tables royales et secondaires du palais étaient tellement bien approvisionnées qu’elles fournissaient du regrat, des restes revendus par les officiers de Bouche. Les courtisans, qui n’avaient pas la chance d’être nourris par le roi, envoyaient leurs domestiques acheter ces victuailles aux baraques adossées au château. Un témoin de l’époque s’esbaudit : « Des poissons immenses auxquels on n’a même pas touché n’ont fait qu’un saut de la table de Monseigneur d’Artois à celle d’un chapelier. »
A table !
Dans les quartiers populaires, on accommode aussi les restes : on appelle ça « un arlequin », et ça n’a rien à voir avec un bonbon rayé ! Dans Les mystères de Paris d’Eugène Sue, le sympathique personnage du Chourineur nous en vante la beauté : « – Quel plat ! Dieu de Dieu ! […] C’est comme un omnibus ! Il y en a pour tous les goûts, pour ceux qui font gras et pour ceux qui font maigre, pour ceux qui aiment le sucre et ceux qui aiment le poivre… Des pilons de volaille, des queues de poisson, des os de côtelette, des croûtes de pâté, de la friture, du fromage, des légumes, des têtes de bécasse, du biscuit et de la salade. »
Une aubaine pour la bourse vide : le vendeur d’arlequins récupère les restes des maisons bourgeoises et des restaurants qui auraient fini à la poubelle puis mélange le tout dans son chaudron et hop ! Par ici les beaux restes, et pas de gaspillage !
Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA
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