« en faire tout un fromage » : cru ou non?


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

une histoire de parfum

Puant et un peu moisi, le fromage n’a pas toujours été en odeur de sainteté. La faute à son parfum? En latin, le formaticus caseus signifie « fromage formé ». Au fil du temps, le caseus, « fromage », est abandonné au profit de format, « le moule ». On le retrouve cependant dans le mot caséine, cette protéine du lait paraît-il hautement addictive. Si aujourd’hui le fromage est du goût du plus grand nombre par ici, il n’avait pas bonne presse dans le monde médiéval. Au Xième siècle, le docteur Isaac Israeli est définitif : « Le fromage est universellement très mauvais. » S’il est vrai que l’on dit du fromage affiné qu’il sent les pieds, ou les chaussettes sales, cela n’a rien à voir avec sa forte senteur ; les médecins le jugent simplement difficile à digérer.

haute saveur

Rustaud, le fromage est alors plutôt réservé aux petites bourses et aux moines. Aux nobles la viande, aux valets le fromage! Or, à la fin du Moyen Âge, les monastères recherchent la qualité : y sont développées des techniques d’affinage puis, peu à peu, des appellations. C’est ainsi que le fromage se répand sur les marchés des villes et les tables de la haute : il change de statut! Mieux, il profite du courant humaniste qui consacre les nourritures rustiques. Dès le XIII ième siècle, le brie est célèbre. Et il a ses fans : des siècles plus tard, l’évêque d’Autun, légèrement persifleur, déclara que « le seul maître que Talleyrand n’ait jamais trahi est le fromage de Brie ».

fromage en dessert

On retrouve le fromage dans une expression aujourd’hui disparue : se retirer dans un fromage, c’est-à-dire avoir trouvé une sinécure qui rapporte, telle celle trouvée par « le rat qui s’est retiré du monde » de La Fontaine. Le fromage est alors une métonymie qui symbolise une situation enviable. Plus connue, en faire tout un fromage date du XX ième siècle : elle évoque la complexité du travail du fromager qui part d’un simple ingrédient pour en faire un petit chef-d’œuvre. Amoureux du fromtogom – le fromage en langue verte – Brillat-Savarin, déclara qu’ « un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil ». Du chaource au rocamadour, du pélardon au chabichou, la France fait du fromage… tout un fromage!

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 12,90€

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