« Avoir un bon coup de fourchette » comme un veau race


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

TAGAGAGA, TAGADA…

Tel Averell Dalton, le hors-la-loi de bon appétit, un gros mangeur passe pour avoir un bon coup de fourchette. C’est aussi le cas d’Obélix, à ceci près que le célèbre sculpteur de menhirs ne dispose pas de couverts pour déguster son sanglier rôti.
Peut-être introduite en 1372 par Jeanne d’Évreux, reine de France et de Navarre, la fourchette, petit nom de fourche apparu en 1300, a du mal à piquer une place à table. Si le couteau est bien utile pour larder la viande, les hôtes de festins, pendant des siècles, se servent de la « fourchette du père Adam », c’est-à-dire de leur main, pour saisir les mets.

Toscan s’est planté

En 1480, l’usage de la fourchette est attesté à la cour de Florence. Sûrement importée par la Toscane Catherine de Médicis à la cour de France, elle est droite et ne sert qu’à piquer. C’est son fils Henri III qui, revenant de Pologne où il a été roi, redécouvre la fourchette à Venise : il la trouve fort à son goût. En effet, elle lui évite de tacher sa fraise. L’Île des Amphitryons, un pamphlet contre Henri III, s’érige contre cette pratique jugée efféminée et contre-nature, arguant que « Dieu a donné des mains pour s’en servir à table ».

l’assassin à la fourchette

Vers 1720, l’usage de la fourchette à quatre dents finit toutefois par gagner toute la population, et surtout un inquiétant personnage. Au XIX ème siècle, sévissait dans les restaurants le père Gourier, dit « l’assassin à la fourchette ». Riche propriétaire doté d’un appétit gargantuesque, il invitait durant des mois un étudiant pauvre à dîner, le gavant d’une nourriture riche par jeu. Cynique, il pariait sur le temps que la victime avait encore à vivre : en général, l’heureux élu trépassait en un an. L’infâme tortionnaire avait des saillies telles que « celui-ci ne faisait pas le poids, je l’ai eu en deux mois à peine! ». Il oubliait qu’en combat à mains nues, un coup retors consiste à enfoncer l’index et le médius tendus dans les yeux d’un adversaire : on l’appelle le « coup de fourchette ». Un soir, terrassé par une énième tranche d’aloyau et par un adversaire trop coriace, le vieux grigou mourut, fourchette en main.

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

. . . . . . . .

Editions
312 pages, 12,90€

Précédent Le Vieux Bourg, la seconde jeunesse de Dominique Piron
Suivant les beaujolais villages de votre été sont là!

Pas de commentaires

Répondre