« Claire comme de l’eau de roche » ; une expression limpide!


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

c’est à boire…

Dans les villes, une eau claire comme de l’eau de roche, ça ne court pas les rues ! Jusqu’au XIIème siècle à Paris, l’eau des sources de Belleville et du Pré-Saint-Gervais abreuvait les fontaines. Mais gare à l’eau de la puante Bièvre, cette rivière empoisonnée par les teintures des tanneurs! Ces deux sources s’étant taries, c’est la Seine qui sert à hydrater les Parisiens jusqu’au Second Empire. Niveau couleur et goût, on est loin du torrent alpin. Elle a pourtant un défenseur : en 1788, l’auteur Louis-Sébastien Mercier déclare que l’eau de la Seine « est trouble et désagréable à l’œil [mais] en tout point préférable à ces eaux limpides qui sortent des rochers helvétiques ».

cuisson libre

Indispensable à la cuisson, l’eau est un problème pour le citadin : pour s’en procurer, il faut s’armer d’un seau et aller poireauter à la fontaine publique, haut lieu de commérage, ou faire appel à un porteur d’eau en attendant l’invention du robinet. Fin 1871, après le siège de Paris et la guerre civile, les Parisiens voient le prix de l’eau flamber, certains aqueducs ayant été détruits. Touché par la détresse des plus pauvres, un collectionneur anglais érige de jolies fontaines vert épinard pour que les urbains puissent boire à l’œil. Portant le nom de ce bienfaiteur, les fontaines Wallace sont toujours en activité!

aqua pas alta

Dérivé de la latine aqua, l’étymon d’aquarium et d’aqueux, l’eau afflue dans la langue. Si aujourd’hui, l’expression mettre de l’eau dans son vin signifie revoir ses exigences à la baisse, elle ne revêtait pas le même sens au XVI ème siècle. « Je mettrais de l’eau dans ton vin » sonne plutôt comme une menace ; cela signifie que l’on va compromettre le succès de quelqu’un. Telle la couleur du vin coupé à l’eau, le sens s’est altéré au fil du temps. Si la formule vivre d’amour et d’eau fraîche sonne comme une médisance anti-hippies, finir en eau de boudinse noyer dans un verre d’eau ou aimer les romans à l’eau de rose ne sont pas tellement plus reluisantes. Au fait, qu’est-ce qu’une bouteille de château-la-pompe ? Une « carafe d’eau » en argot ! La langue verte habituellement imbibée de bibine traite l’eau avec dérision : un verre d’eau, c’est… un « chômeur ».

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 12,90€

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