« Fermer sa boîte à camembert » : se taire et ne pas en faire un fromage


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

trésor national

Trésor national, le camembert s’est très tôt assorti d’une légende : celle de la paysanne normande Marie Harel. Prédestinée par son lieu de naissance, la jeune originaire de Crouttes aurait bénéficié, pendant la Révolution, des conseils d’un nébuleux prêtre réfractaire briard ; en échange d’une cachette, le cureton lui aurait révélé le secret de fabrication du fromage de Brie.
En réalité, au début du XVIIIème siècle, la demande de fromage augmenta dans le canton de Livarot : collecté de plus en plus loin, le lait poireautait plus longtemps dans son bidon. Une fois arrivé à la fromagerie, il avait déjà fermenté : un vrai yaourt! Impossible de fabriquer du livarot, un fromage proche du maroilles côté croûte, avec ça. Un nouveau fromage emprésuré à la pénicilline fut donc inventé. Natif de Camembert, ce « fromton » tape dans l’œil de Napoléon III à l’inauguration de la ligne Paris-Caen en 1863 : audacieux, le petit-fils de Marie Harel lui en offre un morceau à cette occasion.

camembert s’en va en guerre…

Pendant la guerre de 14-18, le syndicat de fabricants de camembert obtient le marché de l’armée : chaque soldat recevait des camemberts dans sa ration, qui acquièrent le doux surnom de « réconfort du poilu ». Parti au front comme produit régional, le camembert revient des tranchées en tant que mythe national. Attendri par cet ami de la baguette et du ballon de rouge, le Français lui donne des petits noms : calendoscamembji ou claquosse. Si ce dernier, apparu dans les années 1970, est sûrement lié à claquer, « puer » en argot, l’origine de calendos, apparu en 1931, est plus obscure. Possible émanation du champenois calendeau, « vieille carriole », il est permis de penser qu’on l’ait formé sur un cale-en-dos, un calembour pour caractériser un bossu.

Objet familier, la boîte à camembert a gagné le folklore des enfants. Pour river le clou à un adversaire, ils n’hésitent pas à le couper d’un sonore « pouet pouet camembert », voire de l’impératif « ferme ta boîte à camembert », assorti d’un jeu de mains qui consiste à ouvrir sa boîte à camembert pour y montrer, à l’aide du majeur, le « zizi du Président ».

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 12,90€

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