« On n’est pas sorti de l’auberge » : il faut déjà y rentrer…


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

racine armée

Que ce soit à l’auberge du cul tournéespagnole ou de jeunesse, on est assez mal reçu dans les expressions liées à l’hébergement. C’est que, à l’origine, l’auberge est plus militaire que touristique : issue de l’ancien provençal arbergar, « héberger », elle est empruntée au germanique occidental haribergôn, qui désigne « un logement des armées ». Mais de quelle auberge ne sort-on pas ? En 1823, sur le boulevard du Crime, la première de l’Auberge des Adrets fait un bide : copieusement sifflé, ce mélodrame triomphe les soirs suivants grâce au génie de son acteur, Frédérick Lemaître, qui va tirer parti du potentiel comique de cette médiocre histoire de crime dans une auberge. Son personnage de voyou, Robert Macaire, va devenir un archétype avant d’illuminer Les Enfants du Paradis et d’inspirer d’autres grands personnages de hors-la-loi, tels que le Vautrin de La Comédie Humaine

culture populaire

Chez Balzac, on retrouve d’ailleurs L’Auberge Rouge , une autre histoire de crime dans une auberge paumée. On l’associe à un fait divers du xixe siècle, dit de « l’Auberge rouge ». Elle a pour décor l’auberge de Peyrebeille, en Ardèche, dont le couple de propriétaires fut accusé de sordides histoires. En 1831, un riche cultivateur est découvert mort sur les bords de l’Allier après avoir passé la soirée chez eux. Le couple, cupide et soudainement enrichi, est alors dans le viseur de la rumeur. Un procès est ouvert, une centaine de témoins se relaient pour plomber les Martin. Tous auraient vu, ou entendu parler, de repas préparés à base de chair humaine, de mains bouillies dans des marmites, de draps ensanglantés, de viols et de meurtres… Les accusés furent pendus en 1833 pour l’assassinat de leur seule victime supposée.

Pourtant, l’expression est antérieure au fait divers et à la nouvelle balzacienne ; pour la comprendre, il faut saisir l’humour particulier de l’argot des voleurs. L’auberge, c’est la « prison » : on y bénéficie du gîte et du couvert à l’œil, mais pour en sortir, c’est une autre paire de manches!

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Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

Editions
317 pages, 12,90€

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