« Payez l’addition » Mais qui rend la monnaie?


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

Picasso, pique-assiette?

L’addition « grimpe » à mesure que la commande accumule plats et boissons. « On ne se figure pas le nombre des gens que la Table a ruinés. La table est, à Paris, sous ce rapport, l’émule de la courtisane », constate Balzac dans Le Cousin Pons.
Pour échapper au redouté bout de papier, on n’a pas toujours la possibilité de faire la plonge. On connaît l’exemple de Picasso qui payait parfois ses additions d’un dessin griffonné sur une nappe. Il lui arriva un jour de ne pas signer un croquis destiné à régler une note. Au serveur qui lui reprocha sa grossièreté, le peintre répondit : « Je n’ai pas dit que j’achetais le restaurant. »

mathématique…

Ce mot à la rigueur mathématique vient du latin additio, la « chose ajoutée ». Il est introduit assez tardivement à table, en plein XIXème, un siècle qui découvre les joies du restaurant. Il se substitue peu à peu à l’ancienne « carte à payer », et la langue verte lui trouva un surnom ad hoc. « L’argot s’est enrichi d’un mot charmant. La carte à payer, connue sous le nom d’addition, s’appelle, depuis quelque temps, la douloureuse« , s’émerveille Aurélien Scholl dans Le Figaro en 1862.

et argotique…

En argot, une expression très parisienne rappelle l’ancêtre de l’addition : on dit « ça fera bien la rue Michel » lorsque le compte est bon, faisant allusion à la rue Michel… le Comte. Malheur au radin que la seule vue de la « douloureuse » incommode ! « Même Lebien, de crainte d’avoir à payer la douloureuse, refusait systématiquement de manger hors de chez elle »persifle Léon Daudet dans Le Cœur et l’Absence en 1917. Depuis le XXème  siècle, payer l’addition est une formule imagée pour dire que l’on paye les conséquences de ses actes. Si le partage de l’addition est un moment délicat sujet à des sketches célèbres, le mot addition heurte l’oreille du poète. Jean Nohain racontait que, encore très jeune, il avait dîné un soir avec son père, le poète Franc-Nohain, qui le prie de demander « la note », lui faisant remarquer que le terme addition n’était pas délicat. Son fils s’exécute ; en réponse, le garçon beugle à travers la salle de restaurant : « Et l’addition pour monsieur! « 

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 17,90€

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