Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…
Bouilli ou rôti ?
« Toujours du bouilli, jamais du rôti… Pas de chance! » Cette formule du troupier dépité par la bectance du régiment reflète bien la perception de la viande rôtie chez la plupart des gens : plus croustillante et plus sexy que la viande bouillie, elle est l’apanage des gens de bien. Et même des rois : friands de viandes à la broche, symbole de pouvoir et d’opulence, ils ont leur propre rôtisserie.
C’est Saint Louis qui ordonne la constitution de la guilde des ayeurs, les « rôtisseurs d’oies ». Sous le règne de Louis XII, alors qu’on peaufine les connaissances sur les cuissons des gibiers, les ayeurs deviennent des « rôtisseurs ». Pendant des siècles, les gens qui ne disposaient pas de four donnaient au rôtisseur – ou au boulanger – une volaille à mettre à rôtir pour célébrer le dimanche et les jours de fêtes. Ils font confiance à ce professionnel qui, d’après Brillat-Savarin, aurait un don inné : son adage « on devient cuisinier, mais on naît rôtisseur » fera d’ailleurs grand tort aux cuistots!
broche teutonne
Issu du rugueux et germanique raustjan, « faire griller à la broche », le mot rôti apparaît au XIIème siècle. Il s’est rendu indispensable à la langue argotique, dans laquelle il revêt plusieurs significations. On parle d’attaquer le rôti pour commencer un récit… ou un aveu. Plus graveleux, mettre le rôti au four est l’équivalent de « tremper son biscuit » ; depuis 2000, le rôti a même rejoint la cohorte des noms donnés au pénis. Au début du xxe siècle, rôtir le balai est une formule sorcière pour dire qu’on se débauche à la noce ! S’endormir sur le rôti, peut-être engourdi par son ensorcelant fumet, c’est « ne pas finir sa tâche ». « Le principal est fait, observa Ribouldingue, c’est pas une raison pour pioncer sur le rôti », peut-on lire dans Les Pieds Nickelés.
Être rôti, en revanche, c’est ne plus avoir d’espoir, condamné ou mourant. Ce qui n’empêche pas de faire un peu d’humour à froid. Ainsi, quand le martyr Laurent, torturé sur un gril de fer, eut un de ses flancs brûlé, le futur saint dit au juge en souriant : « Je suis assez rôti de ce côté, faites-moi rôtir de l’autre. »
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Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA
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