« Changer de crémerie » : la crème des expressions culinaire


Chaque samedi Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

La cramique, késako?

De la même famille que cramique, la brioche à la crème du Nord, le mot crème est d’origine gréco-gauloise. D’abord craime à la fin du XII° siècle puis cresme, il est issu du bas latin mâtiné de franc crama et lié à la chrisma
grecque, cette huile consacrée pour oindre dans certains rituels. Surgie du langage « jeune » des années 2000, l’expression ça passe crème remplace avantageusement le « nickel » ou le « comme sur des roulettes », par analogie avec la ronde fluidité de la crème qui nappe avec aisance. Et pour
cause : la crème de la crème, telle la graisse qui surnage au-dessus du lait, c’est « l’élite ».

Lait et aliments

Pourtant, crème n’a pas toujours rimé avec excellence.
Au XIX° siècle, la crémerie est un établissement où on peut acheter des produits laitiers mais aussi une gargote bon marché où l’on sert des petits plats. Pierre Larousse en détaille le menu : « Il se compose invariablement d’une jatte de riz, d’une demi-douzaine de côtelettes de fantaisie, de pruneaux douteux, noyés dans du cirage, d’une boîte de sardines vide et de mouches. » Pas très sexy!
Certaines crémeries étaient célèbres pour accueillir une clientèle étudiante ou bohème, mais on leur reprochait la médiocrité de la tambouille qui poussait les clients à leur être infidèles. À l’origine, l’expression changer
de crémerie signifiait donc « se rendre dans un autre restaurant ». Par extension, elle désigne toute sorte de lieux.

Et le beurre alors?

L’expression avoir le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière nous en dit long sur la perception d’une profession parfois accusée de s’engraisser à des moments inopportuns. Dans son roman Au Bon Beurre, Jean Dutourd raconte le quotidien d’un couple de crémiers pendant l’Occupation : collabos s’il le faut, résistants du dernier moment, ils profitent du marché noir et lèsent allègrement leur clientèle à coups
de procédés conspués : fraudes liées aux produits, mouillage du lait, marchandises avariées… En 194l, un décret punit les crémiers ayant employé des procédés frauduleux.

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Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

Editions
317 pages, 12,90€

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