Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…
Attention ça picote!
Dijonnaise ou meldoise, la moutarde monte facilement au nez. Cette expression du
XVII ème siècle existait avant sous la forme « la moutarde lui entre au nez ». Le chatouillement provoqué par les propriétés révulsives de la petite graine semblait alors similaire à une colère qui monte, qui monte! La moutarde est associée à une chaude énergie : les crieurs ambulants vendaient ce condiment sous le terme diabolique de « saulces et épices d’enfer ». Les apothicaires vendaient à prix d’or un mélange de moutarde au gingembre au mari désireux de chatouiller la libido de son épouse. Puis, pendant la Grande Guerre, l’explosif gaz moutarde causa de gros dégâts !
moutarde très ancienne
Si les peuples antiques cultivaient la moutarde pour rehausser leurs plats, ce n’est qu’au xiiie siècle que l’usage de la moutarde se généralise en France. Au XIV ème siècle, sa fabrication fut réglementée et les fabricants de mauvaise moutarde étaient aussitôt sujets à de lourdes amendes.
Une hypothèse fantaisiste mais charmante nous apprend qu’en 1382, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi accorda à la ville de Dijon de porter ses armes avec sa devise : Moult me tarde. C’est effectivement à Dijon que naît la corporation des vinaigriers et moutardiers. Ce n’est pas un hasard : la moutarde a toujours été préparée avec du moût de raisin, que l’on retrouve dans son ancien nom : le mustum ardens en latin. Elle est donc traditionnellement fabriquée dans des régions vinicoles.
épice papale
Se croire le premier moutardier du pape, c’est se donner à tort un air important. On raconte que le pape Jean XXII, intronisé en 1316, était affligé d’un goût immodéré pour la moutarde ; il alla jusqu’à créer le titre de premier moutardier dans l’organigramme de l’Église. Pas fâché avec le népotisme, le pape donna ce rôle à son neveu, qui prit cette mission avec un tel sérieux, avec un tel ridicule resté dans toutes les mémoires, que l’expression perdura. Selon Littré, ce titre n’a jamais existé, mais quelle piquante légende!
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