« Le torchon brûle » : accordons-nous sur un désaccord…


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

Sonnant comme une écorchure, le torchon n’a pas l’aura de la serviette de table. Grossier, quotidien, propre à être souillé, il est son double officieux et cradingue. Bien qu’au xiie siècle, les touailles sont des torchons longs de quatre mètres qu’on utilise pour s’essuyer collectivement, ils sont ensuite définitivement remplacés par les serviettes avec la sophistication de la table. Dans l’expression  » il ne faut pas mélanger les torchons et les serviettes « , on sent bien cette différence de statut ! Circonscrit à la cuisine et au ménage, le torchon occupe une présence belliqueuse dans la langue française et ses locutions.

Le torchon est plus personnel : c’est souvent celui de celle qui officie en cuisine. Depuis le XVIII ème siècle, le torchon brûle décrit une scène de ménage : cette expression apparaît incidemment juste avant que la Révolution ne légalise le divorce ! La métaphore du torchon en flammes ajoute de la trivialité à cette embrouille de couple. Dans L’Assommoir, après que Coupeau découvre les joies du bistro, le torchon brûle chez Gervaise :  » Les jours où le torchon brûlait, elle criait qu’on ne le lui rapporterait donc jamais sur une civière […] À quoi servait-il, ce soûlard ? À la faire pleurer, à lui manger tout, à la pousser au mal. « 

En réalité, l’expression ferait peut-être référence à un autre torchon, dérivé du verbe torchier qui avait pour sens originel  » essuyer en frottant avec un bouchon de paille « » », tel le « « » torche-cul « » » cher à Rabelais. Rattaché à la famille de tordretorturer et troussertorcher prend le sens de  » se battre  » au fil du temps : une  » torchiée « , au Moyen Âge, c’est une correction musclée. En 1970 paraît le numéro zéro du  » menstruel  » Le torchon brûle, qui prend pour étendard cette expression qui évoque sans fard les violences domestiques.

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Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

Editions
317 pages, 12,90€

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