« Engueuler comme du poisson pourri » tout en gardant la pêche !


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

Chat, clown, scie, volant, lune ou pilote, le poisson, dixit Bobby Lapointe a « l’œil tout rond » et des noms rigolos. Rouge, il a la mémoire qui flanche. Farceur, on l’accroche aux dos des vestes les premiers avril. Formé sur l’ancien français pois, il est issu du latin piscis, mot bleu qui a donné piscine mais aussi poisseux. Dans les expressions, le poisson nage en eaux troubles : on parle ainsi de duperie avec noyer le poisson, d’indétermination avec n’être ni chair ni poisson. Avant que les chauffards n’inventent la queue de poisson, l’expression finir en queue de poisson exprimait une déception. Dans Ferragus, chef des Dévorants, Balzac évoque des rues trompeuses comme un corps de sirène : « Quelques rues […] ont une belle tête et finissent en queue de poisson. »

Poissonnier armoricain dont le manque de fraîcheur de son étal provoque des bastons, Ordralfabétix n’hésite pas à engueuler son voisin forgeron comme du poisson pourri. Née à la fin XIX ème siècle, cette odorante comparaison témoigne de la passion des Français pour les légendaires joutes verbales des dames de la Halle aux poissons. Cet attrait pour la poissonnière vient de loin : au xvie siècle, vendeuses à la criée et haranchières – marchandes de hareng – fortes en gueule entrent en littérature. Loin de la bonne ménagère qui se tient, la vendeuse de poisson gouailleuse, agressive et populaire ne se laisse pas marcher sur les pieds parce qu’elle est de basse condition. Réputées pour leur argot spontané et injurieux, elles symbolisent une certaine sagesse populaire : de nombreux pamphlets s’attaquent à la royauté par le biais de personnages de poissardes. Lors de la Révolution, on les glorifie comme on célébrera les pétroleuses pendant la Commune.

En 1767, apparaît Madame Angot, archétype de fiction de la « poissarde » enrichie. Ce n’est que sous le Directoire que cette truculente marchande de morue acquiert son nom définitif et la célébrité à travers des pièces jouées au départ par des hommes. Elle est en effet l’héroïne de nombreuses pièces où sa gouaille fait merveille. En 1872, Charles Lecocq compose La Fille de Madame Angot, opéra-comique au succès immédiat.

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 12,90€

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