« ramener sa fraise » avec ou sans crème chantilly?


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

époque romaine

Le langoureux parfum de la rose fraise apparue au coin d’un bois est irrésistible. Séduits, les Romains s’en écrasaient sur la tronche en guise de masque » éclat du teint ». Fragaria de son petit nom botanique, la fraise est décrite en latin comme un « odorant comestible », fragaria étant du même parfum que fragrance.
Baie polysémique, la fraise est l’homonyme de la « fraise de veau », cette fressure dont on fourre l’andouillette lyonnaise, ainsi que de la collerette plissée inspirée par le col de la fraise… mais aussi de l’arme redoutable du dentiste, bruyant cauchemar des cariés.

rubrique des fraises écrasées

Si « ramener sa fraise » substitue à la « tronche » ce fruit triangulaire, on trouve la fraise dans d’autres formules : sucrer les fraises, c’est trembler sous l’effet de la sénilité. Aller aux fraises, c’était à l’origine se balader dans les bois ; son sens évolua vers « chercher un lieu propice aux ébats amoureux », puis vers le fait de porter un pantalon trop court, car comme disait Simonin en 1957 : « Le valseur te donne l’air d’aller aux fraises. »

le fruit du roi soleil

On dit que les parturientes ont des envies irrépressibles de fraises. Sans jamais avoir porté d’enfant, Louis XIV en était aussi friand ! En 1661, Jean-Baptiste de La Quintinie entre au service du Roi-Soleil en tant que directeur des jardins fruitiers et du Potager du Roi à Versailles. Peu soucieux de la saisonnalité, le monarque lui demande l’impossible : pourvoir à son envie de fraises dès le mois de mars !

Début XVIII ème siècle, le prédestiné officier du génie maritime Amédée-François Frézier est envoyé par Louis XIV en mission d’espionnage dans les ports espagnols au Chili et au Pérou. Au Chili, ce mordu de botanique découvre des fraisiers à fruits blancs. Cinq plants sont acheminés en France, dont deux pour le jardin royal. De quoi ramener sa fraise auprès du monarque! Hybridé, le fraisier moderne donne de gros fruits, et s’épanouit diablement en Finistère, à Plougastel, dont le climat océanique réussit à la culture des fraises. L’histoire est d’autant plus savoureuse que M. Frézier aurait eu un ancêtre, Julius Berry, anobli par Charles III pour lui avoir offert en 916 un plat de fraises des bois : il fut anobli sous le nom de Frazer.


Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 12,90€

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