« Faire ripaille » mais sans oublier de partager !


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

Convoquant un imaginaire des plus rabelaisiens, l’expression faire ripaille déploie, lorsqu’on la prononce, la vision d’un immense banquet. Son synonyme, faire bombance, est plus ancien : fin XIème siècle, le mot bobance désigne l’orgueil, le faste. Son côté too much vient de ce qu’il est formé, comme bobard, sur le radical bob, « gonflé ». C’est effectivement ce qui arrive à l’estomac lorsqu’on fait des excès ! Venu de l’ancien français riper, hérité du néerlandais rippen, « gratter », faire ripaille, expression du xve siècle, signifierait « gratter la gamelle. »

Dans le poème Épitre au bord du lac de Genève, Voltaire évoque le souvenir d’Amédée VIII, ancien pape et seigneur du château de Ripaille au bord du lac. Avec sa malice habituelle, le philosophe maigrichon reproche à cet ecclésiastique d’avoir vécu une vie de plaisirs. Il faut dire qu’avant d’être nommé à grand regret pape en 1439, le duc Amédée aimait la bonne chère et la bamboche. Amateur de banquet, il emploie Amiczo Chicquart, un maître queux auteur Du fait de cuysine, un manuscrit récupéré par Walter Supersaxo, un évêque au nom festif.

Réédité depuis, ce texte fondateur sur la cuisine médiévale offre la description de deux banquets. Pour un festin de plusieurs jours à la Chicquart, il faudra quantité de viandes de « haute graisse » : moutons par dizaines, porcs par centaines, veaux dodus, gibiers puissants, poules gavées par milliers, des hures de sanglier qui crachent le feu… Et comme pièce de choix, un « entremets élevé » prenant la forme d’un château fort : sous le décor peint, brochets et paons se révèlent aux yeux ébahis des commensaux.

À cette époque, la langue populaire dit que « faire ripaille, c’est soigner son ventre ». Mais pour cela, il faut une bourse pleine ! Dans Notre-Dame de Paris, le frère du méchant Frollo, vient gratter quelques pièces à l’honorable archidiacre afin de continuer… à faire la bringue. Car comme il l’avoue : « Tant que j’ai eu de l’argent, j’ai fait ripaille, folie et vie joyeuse. »

Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

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Editions
317 pages, 12,90€

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