« Se mettre à table » mais sans manger le morceau…


Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…

Peu à peu remplacée au profit de la table basse et du bar de cuisine américaine, la table de nos aînés continue de rassembler familles ou invités autour du repas. Apparue à la fin du XI ème siècle, elle est issue du latin tabula, « la planche », « la tablette pour écrire » ou « la table de jeu ». La tabula a fait table rase à son arrivée, évinçant au passage le mot latin mensa, « la table ». On le retrouve conservé dans le terme rare de commensal, « l’hôte ». Mobilier incontour- nable chez les Français, la table revient dans plusieurs for- mules plus ou moins connues.
Lorsque au début du XXème siècle, on dit que quelqu’un « se tient mieux à table qu’à cheval », c’est pour souligner son bel appétit. En langue soutenue, tenir table ouverte, c’est recevoir 278 à sa table sans invitation préalable. À ne pas confondre avec l’argotique se mettre à table, une formule ici utilisée par l’écrivain Arnould Galopin au début du XX ème siècle dans Les Poilus de la 9e, qui nous éclaire sur sa signification : « Donc le chauffeur que j’avais pincé s’est mis à table, comme on dit… Il a mangé le morceau. »

Avaler le morceau et attaquer le rôti sont d’autres variantes de ce repas qu’on sauterait volontiers ; mais du moment que le truand se met à table avant même d’avoir pu regarder le menu, il n’a cure d’être le seul invité. Si le mental est faible, il dénonce ses complices ! Erreur à ne pas commettre dans le milieu où il ne fait pas bon être une vache, un donneur. Pour une remise de peine ou un quelconque arrangement, certains trahissent… Car « on a beau être un dur, des fois, avec les perdreaux, on se met à table et on en raconte plus encore qu’on n’en voudrait dire », lit-on dans le polar Rencontre dans la nuit d’André Héléna. Ceux-là dégustent à leur sortie ! Pour le demi-sel qui n’a pas su tenir sa menteuse, on réserve une terrible punition : la croix des vaches, une croix taillée à même le visage à l’aide d’un eustache. Un morceau dur à avaler !

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Extrait de
« 150 Drôles d’expressions de la cuisine qui ne manquent pas de sel »
avec l’amicale autorisation de l’auteure Marcelle RATAFIA

Editions
317 pages, 12,90€

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