Chaque samedi, Les Buvologues vous proposent de découvrir les origines d’expressions du langage courant qui nous viennent de la cuisine. Et cela ne manque pas de sel…
Intraitable ?
Soucieux de faire montre d’authenticité et de savoir-faire, les marques présentes en grandes surfaces ne reculent devant aucun argument et n’hésitent pas à brandir une hypothétique » qualité traiteur « . Il en est même qui poussent le vice jusqu’à se prétendre « intraitables » ! En réalité, la vraie qualité traiteur est fâchée avec l’industriel.
Drôle de mot, ce traiteur : de la même famille que le verbe traire du latin tragere, ce professionnel ne doit pas être confondu avec le proxénète, qu’on appelle parfois en argot traiteur de blanches. Apparu au XII ème siècle, le traiteur n’est pas traître mais tracte, c’est un négociateur ; il ne prend le sens de « restaurateur » – sans salle – qu’au XVII ème siècle, tandis que la » trattoria » italienne est une échoppe où l’on mange.
Dès Henri IV
En 1599, Henri IV, roi fine gueule, créa la corporation des « queux-cuisiniers-portes-chapes », transformés en « traiteurs » en 1708. En 1820, le rôtisseur pâtissier Jean-François Potel est un rôtisseur pâtissier qui a le bon goût de s’associer à Étienne Chabot, maître de bouche renommé du duc d’Orléans. À eux deux, ils ouvrent à Paris une boutique de gastronomie haut de gamme et inventent le métier de traiteur moderne. Le 22 septembre 1900, c’est un grand jour pour la maison Potel et Chabot : il leur a été commandé un repas fin servi dans les jardins des Tuileries, pour la bagatelle de… 22 965 convives !
Il s’agit du banquet des maires, qui eurent droit ce jour-là à un menu de derrière les fagots. Il fut servi une suite de neuf plats aux édiles : un hors-d’œuvre, une darne de saumon glacée à la parisienne, un filet de bœuf Bellevue, un pain de canetons de Rouen, un morceau de poularde de Bresse rôties, une ballottine de faisan à la Saint-Hubert, une salade Potel, une glace » succès » et un dessert. Mazette ! Il convient d’ajouter que le service relève de l’exploit, car le déjeuner ne devait en aucun cas excéder la durée d’une heure et demie. Côté glouglou, que du bon : Preignac en carafe, Saint-Julien, Sauternes, champagne de Beaune et Fine ! Au nombre de 3 000, le personnel ne fut pas en reste : on accorda un litre de » gros rouge » par tête de pipe. Sans équivalent depuis, ce banquet est entré dans la légende !
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